1917 à 1932 — L'Action française

En 1917, lorsque paraît pour la première fois au Canada français la revue L’Action française, publiée par la Ligue des droits du français, rien ne la destine en apparence à connaître la longévité et la renommée dont elle jouira. Depuis plusieurs années déjà, les milieux intellectuels et populaires sont galvanisés par les discours nationalistes enflammés d’Henri Bourassa. Le début du siècle est une période d’effervescence intellectuelle et politique qui suscite la création de nombreuses associations en plus de favoriser la création de journaux et d’autres publications. Le nationalisme de cette période est préoccupé par l’expansion territoriale du Canada, et s’attache surtout à défendre les minorités francophones. Intellectuels et politiciens tiennent farouchement à faire respecter le « pacte » de l’union fédérale de 1867 et à lutter contre l’impérialisme de la Grande-Bretagne.

La première décennie du XXe siècle voit naître, entre autres, la Ligue nationaliste, l’Association catholique de la Jeunesse canadienne-française (ACJC) et aussi la Société du Parler français à l’Université Laval. C’est principalement de cette dernière que sont issus les hommes qui, en 1913, s’associent pour fonder la Ligue des droits du français, à la suite du Congrès de la langue française de 1912. Cette association se voue à la promotion de l’usage du français dans les affaires, et se fait forte de combattre l’anglomanie grandissante au sein de la société canadienne-française durement secouée par le choc culturel de son urbanisation rapide et par la domination économique anglo-saxonne. Elle compte parmi ses membres les plus actifs des ecclésiastiques (J.-P. Archambault, Philippe Perrier), un médecin (Joseph Gauvreau), des avocats (Anatole Vanier, Antonio Perrault), un journaliste (Omer Héroux du Devoir)... À ses débuts, la Ligue remplit sa mission par des interventions dans les journaux, en offrant un service de traduction et en publiant l’Almanach de la langue française. Elle multiplie ensuite les organes : la revue L’Action française, en 1917, les Conférences, les Pèlerinages, les Éditions et la Librairie de l’Action française en 1919. Cette dernière sera reprise en 1926 par un particulier, à la suite d’une mésaventure commerciale qui aurait pu ruiner la Ligue, ou du moins sa réputation.

Jusqu’en 1920, les rédacteurs de L’Action française se préoccupent surtout de questions linguistiques. Lorsque l’abbé Lionel Groulx est nommé rédacteur de la revue, il étend son champ de réflexion à la question nationale telle qu’elle se pose dans toutes les sphèr es de la vie : politique, sociale, économique, scolaire, religieuse. Il veut faire de la revue un lieu de rencontre et de combat pour tous les Canadiens français d’Amérique du Nord, et c’est en quelque sorte ce qui se produira.

Après douze ans d’intense activité, L’Action française, toujours très fragile financièrement, s’essouffle. La condamnation par le pape des positions de la revue parisienne L’Action française incite les directeurs de la Ligue à la prudence et à changer le nom de la revue pour L’Action canadienne-française. Les difficultés de la revue ne sont pas que matérielles. Ses prises de position lui ont valu de vives polémiques et des attaques plus ou moins directes de la part de figures aussi prestigieuses que Henri Bourassa et Alexandre Taschereau, premier ministre du Québec. En 1928, la revue cesse d’être publiée.

1917 à 1932 — L'Action française